HOMONYMA – Identités

Mais qui est vraiment Pauline Rousseau ?

Lorsque l’on tape «Pauline Rousseau» sur Google il y a 4 220 000 résultats. 

Signe d’origine et de filiation, caractérisé par sa transmission, le nom se déploie temporellement en outrepassant les vies individuelles. D’un point de vue sociétal, il permet l’enregistrement de la population, l’identification des individus et surtout, leur classification. 

Le patronyme, hérité du père, rattache l’identité d’une personne à des catégories comme le milieu social ou la provenance géographique. Le prénom, puisqu’il est sensible aux phénomènes de mode, peut quant à lui éclairer sur le contexte.

Noms et prénoms servent donc à désigner et distinguer l’individu. Mais que se passe-t-il lorsqu’un anthroponyme est largement partagé ?

En 2014, alors que j’entame ma carrière d’artiste, je réalise avec étonnement que je possède un grand nombre d’homonymes. 

D’une inquiétude extrêmement pragmatique (comment « se faire un nom » dans le monde de l’art lorsque tant d’autres le portent ?) mêlée à une curiosité enfantine. J’archive et accumule pendant des années, avec une rigueur quasi-obsessionnelle toutes les informations que je trouve sur mes homonymes. Je découvre à cette occasion une Pauline Rousseau morte dans l’oubli au XIXème siècle.

Au bout d’un moment, ces données indirectes ne me suffisent plus. Je décide alors d’aller à la rencontre des autres Pauline Rousseau (morte et vivantes). 

L’hypothèse et le fantasme évoluent lorsque ces rencontres individuelles ont lieu. Un lien inattendu et étrange semble connecter les homonymes entre elles. 

Alors, le projet bascule vers quelque chose qui se rattache au domaine de l’inframonde, du ressenti, de l’immatériel, du bizarre. Il apparaît, comme une évidence, qu’il est nécessaire de toutes nous réunir pour que la magie opère.

C’est une véritable quête de soi à travers l’autre que j’effectue dans à travers HOMONYMA.

J’y interroge l’Histoire et la manière dont elle efface les femmes, mais aussi l’intime, le nom, l’identité, la magie, la sororité et la mise en scène du soi.

Ce projet inédit et jamais exposé compte plusieurs chapitres et se déploie sous différentes formes : vidéos, photographies, textes, son, installation et performance. 

« Je suis de type caucasien, châtain, j’ai les yeux marron(s), je mesure 164 cm, ce qui correspond exactement à la taille moyenne des femmes en France. Je chausse du 38 et porte des vêtements en taille 38, dans les deux cas il s’agit de taille standard.

Mon prénom Pauline est très courant au sein de ma génération, il connaît d’ailleurs un pic de popularité entre 1986 et 1997. Rousseau est également un nom de famille très répandu puisqu’il est parmi les vingt-cinq noms les plus portés en France. 

Par conséquent, on peut dire qu’une certaine banalité me définit.

Mon anthroponyme : Pauline Rousseau, quant à lui, pourrait devenir un nom commun tant il est courant. »

HOMONYMA – Femmage

Femmage à Pauline Rousseau Michelet (1792 - 1839)

Signe d’origine et de filiation, caractérisé par sa transmission, le nom se déploie temporellement en outrepassant les vies individuelles.

D’un point de vue sociétal, il permet l’enregistrement de la population, l’identification des individus et surtout, leur classification. Le patronyme, hérité du père, rattache l’identité d’une personne à des catégories comme le milieu social ou la provenance géographique. Le prénom, puisqu’il est sensible aux phénomènes de mode, peut quant à lui éclairer sur le contexte. Noms et prénoms servent donc à désigner et distinguer l’individu.

Mais que se passe-t-il lorsqu’un anthroponyme est largement partagé ?

En 2014, alors que j’entame sa carrière, je réalise avec étonnement que je possède un grand nombre d’homonymes. D’une inquiétude extrêmement pragmatique (comment « se faire un nom » dans le monde de l’art lorsque tant d’autres le portent ?) nait un travail proche de l’enquête où je me rends à la rencontre de mes homonymes mortes et vivantes.

Femmage à Pauline Rousseau Michelet est l'un des chapitres d'HOMONYMA.

C'est une enquête menée auprès d'historiens et d'archivistes pour raconter Pauline Rousseau Michelet que l'Histoire a oubliée. C'est la réunion performative et magique de douze Pauline Rousseau au cimetière du Père Lachaise, sur la tombe de Pauline Rousseau pour l'honorer, la faire exister et la célébrer à travers nous.

 

 

Installation : photographie argentique et plaques de marbres gravées, exposée lors du festival Photo Saint-Germain

Vidéogrammes grands formats de portraits des Pauline Rousseau réalisés sur la tombe de Pauline Rousseau Michelet, exposés sur les Quais de Seine

Banana Split Submissão

 

Le Banana Split Submission ou Banana Split Submissão en portugais est une technique  de jiu-jitsu brésilien.  

Intitulé d’après le dessert du même nom : une clé d’écartellement des jambes de l’adversaire, le contraignant à faire un grand écart et perdre ses appuis. 

La banane et les boules de glace, métaphore de l’appareil génital masculin, se trouvant donc au centre du split.

La première fois que j’entends parler du jiu-jitsu brésilien, c’est au début des années 2010. Je m’intéresse à ce moment là au MMA. Je regarde beaucoup de vidéos YouTube et de diffusions de combats d’UFC.  Le principe du Mixed Martial Arts est que les combattants peuvent associer des techniques provenant de différents sports de combat ou arts martiaux. Les brésiliens y excellent, notamment parce que nombre d’entre eux sont formés au jiu-jitsu brésilien.

Je commence alors à me questionner sur cet art martial au nom japonais et à la provenance brésilienne. Assez vite, je suis fascinée par la corporalité intrinsèque à sa pratique.

Les corps masculins se touchent, se sentent, s’agrippent, ils sont imbriqués dans des combinaisons surprenantes. C’est assez complexe et subtil, parfois lent, agile ou chorégraphié. Certains nomment cet art martial «le jeu d’échecs humain». Je constate aussi qu’un vocabulaire lié à la domination est omniprésent et que le principal enjeu est de «soumettre» et «dominer» son adversaire. Le corps masculin et ses représentations, ainsi que la question de la domination et de ma propre fascination pour les milieux où elle s’exprime sont donc le point de départ de ce travail photographique.

C’est au Brésil fin 2023, aussi bien dans les favelas de Rio que dans les quartiers chics de São Paulo, que j’entame cette recherche et pénètre les salles d’entraînement. 

À Propos d’Amours

C'est quoi l'Amour ? Ressent-on toutes et tous ce lien de la même façon? Finalement comment définir ce lien ? À quel moment sait-on qu'on est en amour? C'est comment de relationner en 2022? Y'a-t-il une hiérarchie dans les amours? Pourquoi c'est parfois compliqué d'en parler?

À Propos d'Amours est une série réalisée au sein même du Centre Pompidou en décembre 2022 à l'invitation du Studio 13/16 et du Centre Pompidou.

Chacun.e est invitée.e à venir poser avec son ou ses amours et échanger durant des entretiens sur ce sujet à la fois banal et universel.

En résulte des portraits photographiques et sonores. Un projet entre confessionnal, enquête sociologique et mise en scène de soi qui donne la parole à la jeunesse et nous raconte l'Amour et Les Amours en 2022.

 

 

Les Pêcheurs de Massa

En face de l’eau agitée, se déploie une large plage de sable bordée par une falaise ocre.

La plage de Sidi R'bat a été pendant des décennies fréquentées par les nombreux pêcheurs de la région de Massa. Cette région, au sud d’Agadir, est depuis le Moyen-âge connue pour être un lieu de pêche.

Dans les années 90, il n’y a pas si longtemps donc, on avait certains matins cent cinquante bateaux qui venaient pêcher à Sidi R'bat, comme me le raconte Brahim, pêcheur natif du village.

Pourtant, lorsque je me promène sur la plage, je ne vois aucun bateau.

La roche colorée qui ceint la plage attire mon attention.

En me rapprochant je constate qu’elle est percée de grottes qui semblent aménagées. J’échange avec les quelques pêcheurs présents et découvre que ces refuges troglodytes ont été excavés par les pêcheurs eu-mêmes au début des années 1990. Ils m’expliquent qu’ils s’étaient à l’époque réunis pour se répartir les espaces et que chacun avait construit sa propre grotte à même la falaise.

L’idée initiale était d’avoir des stockages pour le matériel de pêche. Et aussi un lieu où se reposer l’après-midi, ou boire un thé, au plus proche de la mer.

Environ 50 grottes jalonnent la falaise de Sidi R'bat. Elles appartiennent toujours à ceux qui les ont creusées ou à leurs enfants. C’est le cas de Ali et Ahmet, deux frères tous deux pêcheurs qui ont hérité la grotte de leur père.

On m’explique que les grottes creusées à l’époque sont, désormais numérotées et répertoriées. Et que c’est maintenant très contrôlé, ce n’est plus possible d’en creuser des nouvelles.

Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de pêcheurs à Sidi R'bat, pour une raison aussi simple qu’alarmante : il n’y a plus de poisson. Les causes de leur disparition sont diverses : pollution de l’eau par les villes voisines, réchauffement climatique, pêche au chalutier dans les grands ports à proximité.

Les pêcheurs qui, il y a encore 15 ans, vivaient de la pêche, doivent aujourd’hui trouver des alternatives ou partir. La grande majorité d’entre eux a quitté Sidi R'bat.

Parmi ceux qui sont restés, il y a Brahim qui pratique la chasse sous-marine au harpon, Ahmed et Ali qui se rendent de manière épisodique vendre leur force de travail dans des plus grands ports, Larsen qui est maintenant dans le bâtiment, après toute une vie en mer.

Quand ils ne travaillent pas, ils passent la majorité de leur temps dans leurs grottes, face aux embruns. Certains ont une maison au village, mais ils dorment régulièrement dans leurs grottes. Ils aiment être à l’écart du village au plus proche de l’eau.

«- Ici je suis tranquille. » me dit Ahmed, en me faisant goûter le délicieux tagine de poisson qu’il est en train de préparer. Il m’explique que depuis qu’il a divorcé, il vit complètement dans sa grotte, c’est bien aménagé, il y a des sanitaires et l’électricité, il est bien.

Brahim m’offre un thé, on discute, je comprends qu’il s’agit avant tout de liberté, de ne dépendre que de soi et des éléments, finalement.

«- La mer si tu la respectes, elle te donne, elle te donne de quoi bien manger et bien vivre ».

Ce jour là, la mer est haute et houleuse. M'Barak m’indique que chaque année il constate la montée des eaux. Bientôt la mer avalera en elle la falaise et aussi les grottes. Je me dis qu’ils sont courageux ces hommes qui dédient leurs vies à quelque chose d’aussi incontrôlable.

Larsen est heureux de voir les flots se déchaîner, c’était trop calme ces derniers jours. En partant, il me souffle :

« -Tu sais, il faut jamais trop lui faire confiance. La mer c’est comme un bébé, tu crois qu’il dort et d’un coup c’est la crise!"

 

Merci à Brahim, Ali, Ahmet, Ahmed, M'Barak, Larsen et Mohammed.

Chaumet

Série de photographies savoir-faire à la demande de la maison Chaumet, maison française de joaillerie de luxe. Les photographies ont été prises au sein de leurs ateliers afin de mettre en avant les techniques et l'artisanat dans le cadre de la réalisation de commandes spéciales.

 

 

 

Beliflor

Beliflor est une marque de cosmétiques française et éthique qui existe depuis les années 80.

Cette commande photographique, réalisée en 2022, s'inscrit dans une volonté de renouveau de l'image de la marque. À leur demande, j'ai réalisé une série de portraits mettant en avant la beauté dans sa diversité. Le parti pris était assez inattendu pour une marque de cosmétique, puisque les personne photographiées ne sont pas des modèles professionnels, elles n'ont pas été retouchés et leur peau n'a pas été travaillée par un maquilleur ou une maquilleuse avant la réalisation des portraits.

.

Tractation

Installation photographique grand format, la taille des images et le nombre évoluent selon leur mode d’activation.

 

Une tractation est une négociation laborieuse. Le processus est proche de celui de l’enquête.

Je décompose les corps, je cherche les failles. Je chasse l’image. Construisant un ensemble non dénué d’ironie entre désir et dégout. Je mêle mes projections aux symboles et signes généralement associés à une certaine forme de virilité.

Les rapports de domination s’inversent, s’équilibrent, résistent ou se brisent selon les moments.

C’est une quête sans but, une enquête dont le protocole est douteux. Elle ne s’effectue pas sans humour, sans crainte, sans attraction, sans tension, sans tendresse, sans érotisme et sans heurt.